"Le prince du business gay" : France Culture rend un passionnant hommage à David Girard (1959-1990)
« Tout en moi les agace. D’abord que j’ai commencé sur le trottoir, que je ne m’en cache nullement et que partant de là, aucune insulte n’a de prise sur moi. Ils n’ont pas hésité à me traiter, par écrit dans des articles qui ne les honoraient pas vraiment, de pute. Mais quoi, c’est la vérité. C’est ma vérité et je la crie plus fort qu’eux. Pour moi, cela n’a rien d’insultant. C’est comme si je les traitais de pédés. On peut me dire ce qu’on veut, tout glisse et rien ne me touche. J’avoue que cela doit être dur : mon sourire aussi les agace parce qu’il est preuve d’un certain bonheur et qu’être heureux est impardonnable aux yeux de certains. »
Cher David - Les nuits de Citizen Gay (Ramsay)

Sans le bac - mais revendiquant au minimum 13 000 passes quand il était prostitué -, David Girard fut non seulement l’un des pionniers du business gay en France, mais aussi et surtout le plus emblématique, le plus star. Surfant sur la libéralisation des mœurs et l’abrogation des lois discriminatoires envers les gays sous la présidence de François Mitterrand, ce touche-à-tout (saunas, boîtes de nuit, magazines, émission de radio, restaurant, minitel, poppers, chansons… ) avait sorti à l’âge de 27 ans son autobiographie : Cher David - Les nuits de Citizen Gay. Un livre qui lui permit d’être invité dans la mythique émission littéraire Apostrophe. Énorme !!!…
Bernard Pivot n’avait toutefois pas été tendre avec David Girard : « Je vous ai invité non pas pour les qualités littéraires du livre, parce qu’au niveau du style il ne vaut pas un clou. Je suppose d’ailleurs que ce n’est probablement même pas vous qui l’avez écrit […] Je vous ai invité seulement parce que c’est un témoignage incroyable. Moi, quand j’ai lu ça, je me suis dit que c’est étonnant. Pourquoi ? À cause de votre sincérité, qui ne fait aucun doute, à cause de votre cynisme et puis je dirais presque de votre arrogance, à certains moments, parce qu’on a l’impression que pour vous la morale n’existe pas. » Et il y eut cet échange tendu :
Pivot : « J’ai lu dans Le Monde il y a quelques semaines un reportage sur San Francisco, sur le quartier gay de San Francisco, où l’on montrait que tous les bars étaient désertés, qu’il n’y avait plus de lieux de rencontres tellement c’était la panique dans le milieu. »
Girard : « De toute façon il y a combien de morts du sida ? 300 morts. »
Pivot : « Vous ne pensez pas que c’est 300 de trop. »
Girard : « Peut-être 300 de trop. Mais il y en a 10 000 sur la route. On ouvre sa voiture et on a plus de chance de mourir que d’être homosexuel et d’attraper le sida. » (Sic)
Comment expliquer cet aveuglement en 1986 par rapport au sida ? Comment un homme d’affaires qui fait fortune en démocratisant l’accès au sexe gay via des lieux de rencontres à Paris pouvait répondre ce qu'il a répondu ?
Dans l'émission radiophonique en deux parties consacrée le 7 décembre à David Girard, sa success story et sa fin tragique - il est décédé du sida à seulement 31 ans -, France Culture répond notamment à ces questions légitimes. Les intervenants - ses amis d’enfance et collaborateurs Louab et Saïd, des témoins de la vie gay parisienne des années 1980, Hervé Latapie et Tim Madesclaire, ainsi que le sociologue Colin Giraud -, recontextualisent et réhabilitent l’homme.
ÉPISODE 1 : BÂTIR ET BRILLER SOUS L'ARC-EN-CIEL

ÉPISODE 2 : UNE DÉCENNIE SOUS HAUTE TENSION

Un homme fascinant, polémique, romanesque, tragique, qui a côtoyé tous les milieux. À quand un biopic sur David Girard ?! Une série qui mettrait en lumière cette France gay des années 1980 dont il en était le « prince » ?!
On ne peut s'empêcher de faire le lien avec un autre pionnier de l'entreprenariat gay en France, malheureusement décédé le 6 novembre 2021 à l'âge de 64 ans : Michel, d'IEM.
