« Cervantès avant Don Quichotte » : Le nouveau film d'Alejandro Amenábar fait polémique…

« En 1575, Miguel de Cervantès est capturé par le sultan d’Alger. Retenu prisonnier, Cervantès invente chaque jour des récits d’aventures qui fascinent tour à tour ses codétenus et le sultan. L’histoire vraie de l’auteur de Don Quichotte. »
La bande-annonce française de Cervantès avant Don Quichotte (El Cautivo) ne laisse aucunement deviner pourquoi le nouveau film d'Alejandro Amenábar sorti dans nos salles mercredi dernier fait polémique. Avec la bande-annonce espagnole, on voit…
Miguel de Cervantès, celui qui a écrit l’un des chefs-d’œuvre de la littérature mondiale, aurait-il vécu une relation homosexuelle avec le sultan d’Alger Hasán Baja lors de ses cinq années de captivité ?
Pendant la présentation du film en avant-première au Festival international du cinéma de Toronto, aux côtés de Julio Peña qui incarne le jeune Cervantès et Alessandro Borghi, qui incarne le sultan d'Alger, Alejandro Amenábar avait fait cette déclaration :
« Cervantès est entré en contact avec la culture de l'ennemi, et paradoxalement, c'était une culture beaucoup plus ouverte et diversifiée. Je pense que les certitudes de Cervantès ont dû littéralement exploser lorsqu'il est descendu dans les rues d'Alger et a découvert ces défilés de corsaires, avec tous leurs prétendants, tous apprêtés. La diversité et la liberté sexuelle, et plus particulièrement homosexuelle, régnaient à Alger à cette époque. Aujourd'hui, dès que l'on entre en contact avec une autre culture – et je crois fermement au métissage –, c'est la découverte de l'autre qui enrichit l'être humain. C'est certainement ce qui a fait de Cervantès un être exceptionnel. »
Bien sûr, les critiques ne manquent pas. Les uns pour dire que Cervantès n’était évidemment pas gay et les autres pour accuser le réalisateur et l’industrie du cinéma espagnol d'imposer leur « wokisme ». En fait, la théorie selon laquelle Cervantès ait pu être homosexuel a pris de l'ampleur dès les années 1980 dans l’Espagne post-franquiste.
Auteur du livre Cervantes íntimo. Amor y sexo en los Siglos de Oro, consultant historique pour la version définitive du scénario de Cervantès avant Don Quichotte (El Cautivo), José Manuel Lucía Megías a tenu à préciser dans El Español que la théorie d'un Cervantès homosexuel à Alger est selon lui un mythe. La relation entre Cervantès et le sultan, deux hommes adultes presque du même âge, n'aurait pas été tolérée dans le monde islamique de l'époque et du lieu, où seules les relations entre un homme d'âge mûr actif et un jeune homme passif étaient possibles.
Certes, mais franchement, il y a plein de choses qui ne sont pas tolérées et qui se font. C’est tout aussi vrai dans le passé que cela le sera dans le futur. Qu’on ne nous dise pas qu’au grand jamais aucun homme de l’époque, en terre islamique, n’ait jamais éprouvé une attirance sexuelle pour un autre homme du même âge tout aussi séduit. Ni que que ces deux se soient empêchés de s'embrasser, de se caresser, de se branler, voire plus, dans le plus grand secret.
Tout en continuant à contredire d’autres arguments en faveur de l’homosexualité de Cervantès, José Manuel Lucía Megías ajoute que si la question de l'homosexualité apparaît bien dans le film, celui-ci offre de nombreuses interprétations : « il sera intéressant de voir si le spectateur les accepte toutes ou s'en tient aux plus superficielles ». Son bilan définitif ? « C'est un film majestueux, celui que Cervantès méritait et que personne n'avait fait pour lui jusqu'à présent. »
Là, on est d’accord ! Déjà avec Tesis, Ouvre les yeux, Les Autres et Agora, Alejandro Amenábar a su prouver qu’il savait réaliser des films remarquables. Cette critique d'un Internaute, @nuria1656, donne définitivement envie de voir son Cervantès avant Don Quichotte :
« Je suis allé le voir le jour de sa première, et je sais que les avis sont partagés, mais personnellement, je l'ai adoré. À mon avis, il reflète très bien de nombreux aspects, comme la captivité, les histoires et l'aspect personnel des choses. Sans oublier que les acteurs jouent très bien leur rôle respectif. Le décor est également très bien conçu. Concernant le point le plus controversé, à savoir la relation entre Cervantès et Hasán, je pense que ce n'est pas qu'Amenábar voulait nous montrer Cervantès comme homosexuel, mais plutôt qu'il s'agit simplement, dans ce cas précis, d'une hypothèse pour expliquer pourquoi Cervantès n'a jamais été brutalement torturé ni assassiné malgré ses nombreuses tentatives d'évasion. En réalité, cela fonctionne très bien. On ne sait pas si c'est ainsi que cela s'est passé, mais quoi qu'il en soit, c'est parfaitement cohérent ; ce n'est pas imposé de force. Pour tous ces aspects, je lui attribue la note de 8,5/9 sur 10. »