« Egoist » : Un mélodrame tourné comme un documentaire sur la vie gay et les disparités sociales au Japon

Réalisé par le Japonais Daishi Matsunaga, Egoist est l’adaptation du roman autobiographique éponyme de Makoto Takayama, décédé en 2020. Présenté en avant-première en octobre 2022 au 35e Festival international du film de Tokyo, sorti au Japon en février 2023, le film a depuis été projeté à de multiples festivals de cinéma, dont Chéries Chéris l’année dernière. Auréolé d'un total de six prix d'interprétation masculine, il sort enfin dans nos salles ce mercredi. Le synopsis ? « Kōsuke (interprété par Ryohei Suzuki) travaille pour un magazine de mode. Très soucieux de son apparence, il embauche comme coach sportif Ryūta (interprété par Hio Miyazawa). Au fil des entraînements, une romance s’installe entre les deux hommes. Mais Ryūta décide de mettre brusquement fin à leur relation et disparaît… » Voici la bande-annonce…
À l'instar de la première réalisation de Daishi Matsunaga, Pyuupiru 2001-2008, un documentaire qui suivait pendant 8 ans le parcours de l'artiste contemporaine transgenre Pyuupiru, Egoist se concentre sur une minorité sexuelle, ici les gays. Et s'il s'agit d'un film, il n'en présente pas moins un aspect documentaire afin de rendre compte de sa source autobiographique. Pour ce faire, comme on l’apprend notamment dans un article de ScreenDaily paru en octobre 2022, Matsunaga et son équipe ont principalement tourné le film avec des caméras à l'épaule et ont invité les acteurs à improviser. Le réalisateur estime d’ailleurs que jusqu'à un tiers des dialogues n'étaient pas dans le scénario. Film sur la minorité gay au Japon, Egoist aborde également la question des disparités sociales : « Le personnage interprété par Suzuki vit dans un élégant appartement, tandis que celui interprété par Miyazawa est issu d'une famille monoparentale et est plutôt démuni financièrement. J'ai eu clairement ces thèmes économiques en tête lors du choix des lieux et des costumes. Je me demande dans quelle mesure le public japonais s'y intéressera. J'ai le sentiment que les spectateurs étrangers le comprendront vraiment. »
Voici deux avis élogieux assez représentatifs de ce qui se lit déjà…
Yannick Vely pour Paris Match : « Contrairement aux clichés sur la sexualité très libérée au Japon, l’homosexualité est un sujet encore tabou dans l’archipel. Si elle est légale, de nombreux Nippons n’osent faire le coming out et mènent une vie familiale encadrée par des règles sociétales strictes, avec donc femme et enfants. Parmi le chœur des amis de Kōsuke, certains comédiens, non-professionnels pour la plupart, ont « profité » du film pour assumer leur homosexualité. Par son approche frontale et ses nombreuses et belles scènes de sexe, « Egoist » n’est donc pas un film anodin. Mais Daishi Matsunaga n’en fait jamais un manifeste politique, préférant mettre en scène une bouleversante histoire d’amour. Et de prévenir ici le futur spectateur : préparez vos mouchoirs. »
Lou le Bail pour CinéVerse : « … Malgré son aspect mélodramatique, le film arrive à rester humain. En effet, un certain côté naturaliste ressort des scènes où Kōsuke est avec ses amis. Ces personnages, interprétés par des acteurs non-professionnels, permettent de rendre le film plus authentique et offrent, autant à Kōsuke qu’au public, un espace bienveillant, en marge de la société hétérosexuelle. Le film en profite pour dénoncer la situation de la communauté gay au Japon : difficile de se tenir la main dans la rue, d’être ouvertement soi-même auprès de sa famille, et bien sûr, de se marier. »