Tommy Marcus : Interview du producteur de "Videoclub", l’album événement de François Sagat - Partie 1

Tommy Marcus :  Interview du producteur de "Videoclub", l’album événement de François Sagat - Partie 1

Si François a déjà chanté avec d'autres artistes, Videoclub est son premier album solo. Sorti le 7 juillet 2023 sur toutes les plateformes, il arrive enfin en version CD avec une édition prévue en K7. Les commandes sont ici. Disons le tout de suite, nous l’écoutons en boucle avec un plaisir à chaque fois renouvelé. Non seulement François chante bien, mais la production est riche de mélodies et de sons accrocheurs. Quand un album plaît à ce point, on a la curiosité de vouloir en savoir également plus sur le producteur. Pour Videoclub, il s’agit de Tommy Marcus. Nous nous souvenons qu’il avait été dans les années 1990 le protégé de Shazz, un pionnier de la French Touch. Nous savons surtout qu’il est un DJ phare de la scène gay française et internationale. Mais nous ignorions qu’il avait sorti en 2020 et 2021 les albums Brut et Airtime. En les découvrant, nous avons été pareillement bluffés. La qualité de l’album de François n’est pas un hasard. Il est le fruit d’un parcours artistique et personnel qui n’a toutefois pas été un long fleuve tranquille, loin de là. S'il compte des succès remarquables, Tommy Marcus a aussi eu à vivre des chutes vertigineuses. Il nous l’apprend dès le début de l’interview qui s'est faite aux Marronniers, dans le marais…


Avant d’être connu sous le nom de Tommy Marcus, tu avais signé avec Shazz un tube trans au milieu des années 1990. Il avait pour titre Berlin
Oui. Toutes les majors, Warner, Sony, etc, signaient un tas d’artistes sur la signature de Daft Punk chez Virgin. Toutes voulaient avoir leurs artistes électroniques. Sony avait gagné un fric monumental avec l’album de Céline Dion, D’eux. Ils signaient à tour de bras, tout et n’importe quoi. Et on a fait partie du tout et n’importe quoi. On est arrivés avec nos morceaux sur K7 en 1996 et on a été signés dans la minute. J’ai connu à 23 ans les majors, avec tout ce que cela comporte de très bien, et tout ce qu’il y a d’horrible à partir du jour où ils t’abandonnent. C’est une machine à broyer les artistes. Quand on n’a plus besoin de toi, quand ils estiment que ton album ne fait pas ce qu’il doit faire en chiffre de ventes, tu es jeté comme une merde. Du jour au lendemain, je n'avais plus le droit de rentrer dans les locaux de Sony. Ils te rendent un carton avec tous les restes de bandes magnétiques, de goodies, d’autocollants, tout ce qui leur reste qui a un rapport avec toi dans leur placard, ils te le rendent comme quand tu te fais virer d’un bureau et que tu dois te casser avec ton carton et tes plantes. Quand t’as mon âge maintenant, 50 ans, tu le vis mieux parce que tu comprends. Quand t’as 23 /24 ans, tu ne comprends pas. Je l’ai très très mal vécu. Je faisais des grandes scènes, des podiums avec gala, et du jour au lendemain plus rien. J’avais deux choix. J’habitais au sixième étage, je n’avais plus d’argent, plus rien. Est-ce que je me jetais dans le vide ou est-ce que je recommençais une nouvelle vie. J’ai recommencé une nouvelle vie. J’ai changé de pseudo, je me suis acheté des platines et j’ai appris à mixer parce que devenir DJ était peut-être ma seule planche de salut. Ça l’a été. Je suis entré dans le milieu gay, j’ai été découvert par un bar qui s’appelait Bunker et qui était en dessous du Raidd. J’ai ensuite eu la chance de participer aux soirées Butch qui cartonnaient fin des années 1990/début 2000. Après j’ai mixé à Home Deluxe où je faisais les afters et à partir de là j’ai mixé partout en montant les paliers. J’ai mixé à la Démence et d’autres grosses soirées. J’ai mixé au premier festival gay à Bangkok, j’ai fait tous les festivals gays à la Réunion, j’ai fait la Love Parade à Berlin, j’ai été résident au Queen… J’ai recommencé à gagner de l’argent tout en développant une haine envers les majors. Donc, pendant ces quelques années où j’ai été DJ, j’étais tranquille jusqu’à ce je me perçois de plus en plus comme un DJ vieillissant. Tous les DJ de ma génération voyaient venir cette injonction à se mettre torse nu sur les flyers. Je fais beaucoup de sport et, ce n’est pas prétentieux ce que je vais te dire, je suis bien gaulé pour un mec de mon âge. Or je n’ai jamais voulu me mettre torse nu sur un flyer car j’estime qu’un DJ n’a pas besoin de le faire. Je me mets torse nu sur Instagram, mais pas sur le flyer d’une soirée. Je n’avais pas envie d’être traité comme ça à 40 et quelques années.

Patchwork de flyers de soirées et événements avec comme DJ Tommy Marcus

DJ vieillissant ? Tu es quand même plus jeune que David Guetta.
On n’est pas sur le même plan. C’est un peu la discussion que j’ai eu avec ma mère pendant longtemps car elle ne comprenait pas le métier que je faisais. Elle me parlait de David Guetta, Bob Sinclar, et je lui disais : « Maman, tu ne peux pas comparer le groupe Carrefour, le groupe Auchan, etc, et le petit épicier du coin. Moi, je me considère comme l’épicier qui est en bas de chez toi. » Mon but dans la vie n’a jamais été d’être riche et célèbre. L’argent, ça ne m’intéresse pas. Je vis très bien avec peu. La célébrité ne m’intéresse pas non plus, parce que je suis un timide, parce que je suis un introverti, parce que je suis quelqu’un qui lit énormément et qui a besoin de temps pour lire, de temps aussi pour faire du sport et que je déteste qu’on m’impose des trucs. Je suis un indépendant pur et dur. Donc je n’aurais jamais voulu être David Guetta ou Bob Sinclar. Je préfère être le petit commerçant avec lequel on recherche des rapports personnalisés et naturels. J’ai énormément de respect pour David Guetta et Bob Sinclar, parce que sans eux, nous, petits DJ et producteurs de house, nous ne serions pas là. Mais pour rien au monde j’aimerais être à leur place.

Producteur, justement ! Jusqu’à l’album de François, je ne te voyais que comme DJ et ton court passé chez Sony m’était vague. Videoclub  nous a tellement emballés qu’il m’a donné envie de découvrir tes deux précédents albums : Brut et Airtime. Eux aussi m’ont bluffé. J’ai bien compris ton aversion vis-à-vis des majors, ton désintérêt pour la célébrité et ton envie farouche d’indépendance. Mais je ne peux m’empêcher de penser que nombre de chanteurs pop connus en manque de morceaux percutants seraient inspirés de te contacter. Mais peut-être que je l’ignore et que tu travailles déjà avec des pop stars…
Non, parce que je fais partie des gens qui ne savent pas se vendre. Je n’y arrive pas. Je suis le genre de personne qui ne répond pas au téléphone en appel direct parce que je suis un vrai introverti. Comment veux-tu aller défoncer des portes si tu as déjà du mal à répondre au téléphone. C’est la dualité qui a toujours été en moi. Je rêverais être un DJ producteur avec une feuille de route qui part du début du mois avec du travail à faire tout le long.

Couvertures des abums Brut (sortie digitale : 31 juillet 2020), Airtime (9 juillet 2021) et Videoclub (7 juillet 2023)

Comment es-tu passé de DJ à la production de l’album Brut ?
J’avais créé un label de musique, Resolution Records. Il existe depuis 2007. Un label indépendant et complètement digital, à savoir que les titres ne sortiraient qu’en digital, avec tous les problèmes que ça peut avoir. À savoir qu’il n’y aura pas le rayonnement d’une major parce qu’on n’a pas du tout la force de vente qu’il y a derrière, ni la force de production et de promo. Mais qui dit indépendant, dit que nous faisons ce que nous voulons, comme nous le voulons. C’est moi qui choisis le timing. À partir de là j’ai commencé à sortir des titres de DJ du milieu, comme Xavier Seulmand, Nicolas Nucci, ainsi que des titres que je faisais moi. Je m’étais remis à la prod dix ans après en avoir été jeté et tétanisé. Je m’y suis remis, j’ai tout réappris depuis le début car je suis vraiment quelqu’un qui a besoin d’apprendre. Tout le temps. Si je n’apprends pas, je m’emmerde à crever. Et quand ça ne m’intéresse plus, c’est la catastrophe. Je suis arrivé à un âge où je ne peux plus faire semblant. Je me suis remis à faire des disques, j’ai repris confiance en moi au niveau de la production et je m’essaie de devenir un meilleur producteur de musique possible. Je suis quelqu’un d’ultra solitaire et qui l’a toujours été. Enfant, je n’avais pas beaucoup d’amis, j’étais gros, j’étais complètement introverti. Ma planche de salut, ça a été la lecture. J’ai lu et je lis énormément.

Le dernier livre qui t’a marqué ?
J’aime les trucs très sordides. J’aime les bouquins ancrés dans le réel. Mon bouquin préféré ces derniers temps c’est l’une des sorties de la rentrée littéraire qui s’appelle Acide.

Acide ? Tu peux nous en parler ?
C’est deux histoires en parallèle. Une femme qui pense que la beauté est quelque chose d’ultime et un mec qui vit toute sa sexualité à travers le porno et des images très très glauques. Un moment elle se fait défigurer par un mec qui lui jette de l’acide, comme ça, et lui tombe sur la vidéo de l’agression sur le Darknet. Du coup, leur histoire s'entremêle. Le bouquin est incroyable. Je l’ai dévoré en 48 h.

Couvertures d'Acide et de trois autres livres parmi les préférés de Tommy Marcus dans sa sélection 2023 sur Instagram. Au vu des résumés, ce sont des romans qui vont au bout du bout, sans censure !

Ton besoin vital de lecture fait de toi une personnalité atypique dans ce milieu. La passion de la lecture est du moins très rarement mise en valeur chez les DJ et les producteurs de musique électronique.
Je suis quelqu’un de sapiosexuel. Je pense que ça se ressent dans tous les albums que je fais. C’est pour ça je pense que François et moi on a réussi à s’entendre. Même si on vit notre sexualité différemment, je suis très vite attiré par quelqu’un qui est intelligent, qui est brillant, qui est vif. C’est ce qui m’a plu chez François. Je pense qu’il a trouvé en moi quelqu’un qui l’a compris assez vite. Et pour comprendre les gens, il faut de l’empathie. Je suis très bavard, mais je sais écouter les gens et, je l’ai appris en étant DJ et en discutant, les gens ont énormément besoin de parler d’eux. Si je n’avais pas été DJ, si je n’avais pas été artiste, j’aurais été psy.

Ne dit-on pas que le DJ joue le rôle d’un chaman permettant la communion transcendantale des clubbers ?
Ça, c’est la vision fantasmée du truc. Le métier de DJ, je l’ai toujours vu comme très cartésien. Moi-même je suis cartésien. Je ne suis pas dans l’intellectualisation des choses. Le DJ a une obligation de résultat immédiat. Les gens sont venus, ils ont payé une entrée, ils te donnent 4h/5h de leur vie, ce qui n’est pas rien. En conséquence, on ne fait pas n’importe quoi. Ils sont venus pour s’amuser, il faut qu’ils s’amusent. Pour avoir été DJ résident du Queen, du Grand Hôtel et de toutes ces grosses machines-là, tu as une obligation de résultat. Bien sûr, tout ne repose pas sur toi. Ça repose aussi sur l’accueil à l’entrée et aux vestiaires, au fait que les barmans vont bien servir, que les toilettes sont propres, que les animations sont à la hauteur et tout ça. Je n’ai jamais vu l’expérience du DJ comme un truc fantasmé.

Obligation de résultat immédiat, j’entends bien. Est-ce que cela veut d’abord dire que tu sais d’avance les sons qui nous transportent ?
Oui. Je n’arrive pas dans une soirée sans plan d’attaque. Je suis trop cartésien pour me dire que je vais compter sur mon charme incroyable et que la magie opérera.

Y a-t-il une progression ou cherches-tu le bon son tout le long du set ?
Chacun mixe comme il veut. Chaque DJ a sa stratégie. Moi je suis un fan de comédies musicales. Tu ne peux pas être à 100% tout le temps. Si tu es à 100% tout le temps, tu fatigues les gens. Il faut donc soigner ton entrée, tranquillement voyager et surtout réussir ta sortie. Et monter, c’est ce qu’on appelle un eleven one club number. J’ai toujours envisagé mes sets comme un voyage. Ce qui m’a beaucoup frustré dans ma carrière de DJ, c’est qu’on met les gens dans des cases. Tu n’as pas le droit de mettre des choses différentes. Moi j’écoute aussi bien de la house, de la deep, de la trans, du trip hop, du drum and bass, etc. Et surtout, pour moi, un set doit être ludique et ne pas intellectualiser autrement tu perds 50% des gens. Il faut que ce soit ludique et dynamique. C’est ma manière de mixer.

Avais-tu des DJ de référence ?
Dans les années 1990, quand je devenais DJ, j’étais fan de toute cette école américaine : Roger Sanchez, Erick Morillo, qui était alors pour moi un dieu. L’école anglaise, à laquelle je me rapproche le plus désormais, était plus freestyle. Je ne l’a comprenais pas.

Par rapport aux Américains, Desire, ton single issu de Brut qui lorgne vers le fameux Space Cowboy de Jamiroquai, a bénéficié d’un remix de David Morales ! Évident !
David Morales, comme DJ et comme remixeur, tu vois ce que cela représente. Les remix de Janet, les remix de Michael, les remix de Mariah Carey, les remix de Madonna… J’ai envoyé un mail, disant : « Voilà, je suis un fan absolu, je viens de faire un titre pour mon album Brut, est-ce que tu voudrais le remixer ? » Il me dit : « Oui, échangeons nos coordonnées. » Et un jour, je rentre du sport, je sors de ma douche, un WhatsApp me sonne en appel vidéo, c’est David Morales qui me parle. Le fait de le voir a été un choc parce que je ne m’étais pas préparé toute la journée pour ça. Étant introverti, j’ai répondu à un appel vidéo, ça faisait déjà beaucoup. Et il me dit : « Hey, Tommy, I love your track, écoute, j’ai déjà fait ça comme réplique, qu’est-ce que tu en penses. » En fait, c'est du David Morales. Je ne peux même pas te dire du bien ou du mal. C’était méga drôle car à l’époque j’étais en couple. Et il m’a dit : « Je continue et je te rappelle dès que j’ai un morceau. » et il a raccroché. Et j’ai dû mettre 15 minutes à m’en remettre. Et mon mec me dit : « Ça va ? » Et je lui réponds : « Je ne sais pas trop ce qui vient de passer, mais je ne suis pas bien sûr. Est-ce que je parlais avec David Morales ? Par WhatsApp ? Oui. Donc c’est bien ce qui s’est passé. »

Cela veut dire que tu es quand même capable de faire toi-même la démarche de contacter un géant de la house.
Ce n’était pas la première fois que David et moi avions échangé. Quand j’avais sorti chez Naïve un titre qui s’appelait Supalove, en 1999, il m’avait playlisté plusieurs fois sur des compiles parce qu’il adorait. Je n’étais pas un complet inconnu pour lui.

Mais quand tu l’as recontacté…
Il s’était passé 22 ans. Je pense qu’il m’avait oublié.

Tu as eu l’audace de le recontacter. Cette audace, tu pourrais aussi l’avoir pour d’autres.
Je vais t’expliquer pourquoi. Comment j’ai gagné un truc que je n’avais pas avant. Ma carrière de DJ commence à décliner. Je faisais partie des DJ du Matinée Group mais j’avais envie de passer à autre chose et là j’ai été contacté par Kamel Ouali avec lequel j’avais déjà travaillé sur quelques projets. Il me dit : « Voilà, il me faudrait une nouvelle version du French cancan pour L’Oiseau Paradis, la revue que je fais au Paradis Latin. » Et j’ai répondu : « Je m’y mets. », et après je me dis : « Mais, c’est complètement symphonique. Comment je fais ça ? Je n’ai pas de violon à la maison, comment je m’en sors ? » (Rires.) Et en plus de la version normale, Kamel ajoute : « Il me faudrait une version techno et une version un peu sexy. » Il me demande si je suis capable de le faire. je dis : « Oui. » Si tu dis à Kamel que tu es capable de le faire, il faut savoir le faire autrement ça va mal se passer. Si tu dis non, que tu ne sais pas le faire, il te dira que ce n’est pas un problème et ça ne l’empêchera pas de te rappeler pour travailler sur autre chose. En 2019, je me suis dit qu’il était temps de bomber le torse et d’y aller et de dire OK. J’ai trouvé comment faire. On arrive à trouver les 3-4 minutes de French cancan qui nous plaisent, je le monte, ils répètent dessus, tout va bien. Je travaille sur la version sexy et la version techno. Et Kamel me dit : « Puisque tu as su gérer ça, est-ce que tu peux gérer un autre tableau ? Est que tu peux même être le directeur musical ? » J’arrive à la réunion, il y a Dimitri Vassili qui s’occupe des lumières de Mylène Farmer, je ne comprenais pas trop ce qu’il me racontait, je rentrais chez moi, je cherchais, je fouillais, et j’ai finalement trouvé ma place. J’ai gagné une confiance en moi. Quelque chose que je n’avais pas avant. Et le spectacle cartonne ! Il m’a fallu presque 20 ans pour reprendre confiance en ma force, autre que celle de DJ. Je sais que je suis un bon DJ. Et c’est là qu’est arrivé le COVID…

Poster de L'Oiseau Paradis en 2019

Le COVID, oui…
À partir de là, tout a été remis en cause. J’ai recommencé une troisième vie. Avec Kamel, nous avions un autre projet qui aurait dû me lancer définitivement dans le milieu de la production, et il a été annulé deux mois après. Tous les spectacles ont été annulés lors du deuxième confinement et les salles étaient bloquées pendant 3 ans. On ne savait pas ce que les gens voudraient écouter et voir dans 3 ans. Tout ce que j’avais créé en 25 ans comme DJ et ce projet avec Kamel, il ne restait plus rien.

Comment s’en relever ?
Je m’étais déjà relevé. J’étais capable de le refaire. Lors du premier confinement j’étais en couple dans mon petit 30m2, la chambre et un studio d’enregistrement. Je me suis dit : « Fais ton album, tu n’as que ça à faire, c’est la seule manière d’exister. » J’ai créé Brut en me disant que comme j’étais détaché des discothèques, je ferai un album qui me ressemble vraiment, où je mets mes influences, où je dis d’où je viens, pourquoi je fais ce métier.  Brut, il est brut ! Il me ressemble vraiment. Il y a notamment du trip hop que j’écoutais dans les années 1990…

Oui, j’ai pensé à Massive Attack en écoutant le titre Party 82. Ce que j’aime dans ton travail, c’est que je suis en terrain connu sans forcément pouvoir déterminer les sources précises. Où alors je fais des associations sans être sûr que toi, l’artiste, les ait recherchées. Sur l’album de François, il y a ce morceau où il commence par dire « This is a story about cruising ». Cela m’a tout suite fait penser à Janet Jackson et son « This is a story about control »  
Intermission, ce morceau très funk, qui est à la fin avant Follow Me ?

Oui.
Janet Jackson a été l’une de mes artistes préférées. Je te suis là dessus. Quand Brut est sorti, il a été N°1 des ventes d’albums en dance et N° 22 des ventes d’albums. Ma carrière de DJ était morte, mais j’existais quand même. J’avais assez de followers sur Instagram et Facebook pour avoir une existence. Du coup, avec les aides de l’État que j’ai touchées, parce que j’avais bien travaillé en 2019, j’ai tout réinvesti dans Brut en payant un ingénieur du son, en payant David Morales, hé oui, c’est pas gratuit, j’ai crafté entièrement l’album dans mon petit studio en prenant des bouts de voix à droite à gauche, car on n’avait pas le droit de se voir.

Dans tes albums Brut et Airtime, aucun chanteur n’est crédité.
J’ai utilisé tous les moyens qui étaient à ma disposition pour faire un album sans rencontrer les gens. J’ai acheté des samples pour en avoir l’exclusivité. Via des plateformes du genre fiverr, j’ai aussi fait travailler des personnes qui peuvent habiter au bout du monde et qui ne veulent pas apparaître.

Il y a des chanteurs qui veulent rester complètement anonymes ?
Oui. Tout le monde ne recherche pas la gloire. Par exemple, il y a dans Airtime un chanteur qui apparaît deux fois. Je le paie 2 500 euros, il écrit ta mélodie, chante ta chanson mais ne veut pas apparaître. Il a par contre ses droits à la SACEM.

N°1 des ventes d’albums en dance, Brut cartonne !
Oui.    

Peut-on dire  que le COVID et les confinements ont certes été une horreur mais aussi une bénédiction ?
Non. Ça a été d’une violence. Je ne m’en suis jamais remis. J’en paie encore le prix. J’ai perdu 80 % de mes revenus. Si je n’avais pas été propriétaire de mon appartement, si ma mère n’avait pas été là pour m’aider, je ne sais pas ce que serais devenu. Je ne faisais pas partie de ces DJ qui avaient un boulot le jour et qui faisaient en plus DJ le soir. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait à 100%. J’en ai fait mon métier. Je n’avais même plus de Paradis Latin, le spectacle ne se jouait plus. Et lors du second confinement, mon couple a commencé à se casser la gueule.

Les contrariétés extérieures mettent à mal les relations de couple.  
Toujours. Après, on vivait ensemble h 24 et on n’était pas des personnalités faciles. On ne s’était toutefois jamais engueulés, on s’entendait très bien, mais j’ai commencé à avoir peur. Je ne gagnais plus d’argent, j’avais 48 ans, j’allais vers mes 50 ans. Toutes ces contrariétés m’arrivaient alors que je voulais gravir les échelons de la confiance que les autres pouvaient avoir en moi et dans mes capacités. Je voudrais qu’on dise de moi que je suis un très bon producteur, plutôt que quelqu’un de très connu. Je voudrais qu’on dise que je suis un très bon DJ, plutôt qu’un DJ sexy. 

Tu le prouves tout le temps ! Après Brut, tu as produit un autre album bluffant : Airtime !
Avec cet album, que j’adore, j’ai poussé plus loin encore le curseur. Là où Brut était ludique, j’ai poussé Airtime dans le curseur de la pop mélancolique J’étais alors très mal dans ma vie. Airtime a une histoire très personnelle. Ça part de Lifeless, sans vie, à Alive. Comment tu réagis quand tu es un quinquagénaire, que ton couple est mort ? C’est quoi ta vie de pédé quand t’as 50 ans ? J’ai 50 ans, et je vais maintenant passer ma vie à dire aux gens qu’ils ont bien évidemment une vie après 50 ans. Si tu écoutes l’album, Lifeless, Ashamed…,  c’est l’histoire d’un mec qui se reconstruit après une rupture, qui essaie plein de trucs jusqu’à sa renaissance à la fin où il dit : « Stop ». L’avant-dernier morceau s’appelle Stop. Mes potes qui ont écouté Airtime m’ont dit : « Oui, c’est bien, mais c’est un peu plombant. »

OK. Moi, j’ai adoré.
Oui mais c’est plombant.

Je l’ai surtout trouvé envoûtant. Alors oui, il y a ces passages qui me font penser à des musiques de films dramatiques.
C’est ça. J’y ai mis du symphonique, du violon qui n’y étaient pas dans Brut. J’ai mis des nappes très Vangelis. Brut.E.S., la version expanded, est le pont entre les deux. Je ne me suis pas arrêté de produire depuis deux ans. J’ai fait un presque deuxième album entre les deux, qui sont des inédits de Brut. Dix morceaux en plus qui constituent un album en plus. J’ai voulu mettre dans Airtime toutes les nouvelles tendances en musique, c’est-à-dire le trap, l’EDM, tous ces trucs que je n’avais pas mis dans Brut. Mais je n’étais plus dans le ludique. Airtime a été fait dans la peine. Je n’avais plus rien, pas de salle de sport, plus d’amour, plus de travail, plus rien. Et ça s’entend dans tous les titres. Moi je l’entends. C’est un album que j’ai beaucoup trop réfléchi, que j’ai beaucoup trop subi, mais qui a une place particulière dans mon cœur parce que je sais que si dans 20 ans je suis encore là, je me souviendrai de chaque moment de sa conception.

Couverture de l'album Brut.E.S. (sortie digitale : 12 février 2021)

Est-ce qu’Airtime cartonne comme Brut ?
Non. Airtime ne marche pas du tout. Il y a pourtant deux de mes morceaux préférés, By Your Side et The Wolves. Je fais remixer By Your Side par Eric Kupper. Je refais le coup de David Morales avec Eric Kupper, quelqu’un d’adorable qui aime le morceau et qui me fait un remix magnifique…


La version originale est top, mais ce remix la sublime ! Avec la fin des confinements, ta vie d’avant le COVID aurait dû reprendre…
On était en 2022, les clubs réouvraient effectivement, mais ils ne payaient plus ce qu’ils payaient avant. Il était hors de question que je casse le marché. Au mois de mars je me suis dit : « Bon, je sors un album de remix, je fais une espèce de best of de Brut et d’Airtime, mais en version disco house. » Je me lance dedans, je sors un album qui s’appelle HTD. Et au moment où je sors cet album, mon couple ne va définitivement plus et je me fais pirater mes comptes Facebook et Instagram. J’étais à un maximum de 5 000 sur Facebook et à 4 000 et quelques sur Instagram. Pour un artiste indépendant, les réseaux sociaux sont la seule fenêtre de promotion. J’ai fait des démarches, mais on ne peut rien faire. J’ai tout perdu. Pile au moment où les clubs réouvraient et où j’avais besoin de contacts.

Couverture de l’Album HTD (sortie digitale : 21 janvier 2022)

Dur…
Mais je me dis : « Bon, on recommence, Instagram, Facebook… » mais l’album de remix passe inaperçu. Je me dis : « Qu’est-ce que je fais. » Et il y a cet artiste, Amar, qui ne fait que de me dire qu’il aimerait travailler avec moi. Alors travaillons avec lui. Et ça ne s’est pas passé comme je l’aurais voulu. Nos rapports furent très compliqués, mais j’ai tenu à aller jusqu’au bout et faire de mon mieux. Et pour ne rien arranger, au mois de juin, mon couple casse définitivement. On vivait ensemble depuis 7 ans. 

C’est…
J’ai appris à survivre et à me relever…

Et vient l’album de François dont on a eu connaissance via un appel aux dons GoFundMe.
L’idée vient de moi. Quand j’ai vu qu’avec François ça collait et qu’il fallait qu’on fasse cet album, on a essayé de mettre un maximum de chance de notre côté. Le seul moyen était de lancer un GofundMe. Tout l’argent qu’on a gagné est allé en partie vers la promo - je me suis dit : « Ne fais pas la même erreur que d’habitude. », et l’autre partie sur la production. Aller au-delà d’Airtime, au-delà de l’album que j’ai fait pour Amar, au-delà de Brut. On a pris un vrai ingénieur du son, un vrai ingénieur de voix. J’ai dispatché l’argent pour avoir un album quali.

Absolument !
Et maintenant on peut embrayer sur François…

À suivre, demain, pour la seconde partie de l'interview… 

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