Quand la révélation de l’odieux chantage à la sex-tape gay qui éclabousse la mairie de Saint-Étienne est peut-être aussi et surtout l’histoire de la vengeance d’un homme abandonné de tous, en particulier de celui qu’il a aimé…
Demandez aux journalistes d’investigation et ceux de la presse people. Questionnez les agents du fisc et les policiers. Ils vous diront qu’il faut toujours se méfier des ex qu’on a trahis, bafoués, abandonnés. Ils sont au courant de nos coups tordus et seront toujours susceptibles de nous balancer, quitte à se saborder eux-mêmes. Car se venger est plus fort que tout. On se dit que c’est cette vengeance qui a animé un certain Gilles Rossary-Lenglet lorsqu’il a fait les révélations choquantes que Médiapart a publiées le vendredi 26 août 2022…
GILLES ARTIGUES - 57 ANS
![]()
Représentant du parti centriste et père de famille très impliqué dans la sphère catholique conservatrice anti LGBT, Gilles Artigues a été filmé à son insu lors d’une soirée en 2014 dans hôtel parisien en compagnie d’un escort gay. Celui-ci lui a prodigué un massage « érotique ». L’organisation de cette soirée et la captation de la sex-tape auraient été organisées par l’entourage de Gaël Perdriau, maire Les Républicains de Saint-Étienne. L’objectif étant de le faire chanter afin qu’il s’efface politiquement pour ne plus créer de dissidence à droite et risquer ainsi le retour de la gauche à la mairie. Toujours adjoint à la ville de Saint-Étienne et vice-président de la métropole, il a toutefois démissionné de ses fonctions de premier adjoint en mai 2022 pour des « raisons professionnelles ». Il vient d’être nommé directeur diocésain de l’enseignement catholique du Tarn à Albi.
Hier, Gilles Artigues s’est fendu de cette déclaration sur Facebook : « Je tiens à vous remercier pour les centaines de messages de soutien que vous m’avez adressés depuis la révélation par Médiapart de la machination dont j’ai été victime.Elle a pourri ma vie. Cette vie qui est si belle et que j’ai plusieurs fois songé à quitter, tant j’étais désespéré. Beaucoup de choses ont été écrites, certaines fausses et très blessantes pour moi, mon épouse, mes quatre enfants, mes vrais amis… Cette interview de mon avocat André Buffard, publiée par France Bleu Saint-Étienne Loire, dit la Vérité. Je vous la partage. »
Cette « Vérité » rapportée par l’avocat serait entre autres celle-ci : « Il [Gilles Artigues, NDLR] a été invité dans la chambre d'hôtel d'un de ses collègues, adjoint au maire [Samy-Kéfi-Jérôme, NDLR] en qui il avait toute confiance. Il s'y est rendu et a été invité à boire, ce qu'il ne conteste pas. Et ensuite, il n'a aucun souvenir de la soirée. Il est persuadé qu'il a été drogué. Le lendemain, il s'est retrouvé dans un état anormal. »
Une plainte contre X et contre Samy Kéfi-Jérôme a été déposée pour « guet-apens en bande organisée financé par des fonds publics », « non-dénonciation de délit ou crime », menaces et chantage.
GAËL PERDRIAU - 50 ANS
![]()
Membre du Parti républicain depuis 1996, il adhère à l’UMP dès sa création, en 2002. En 2015, l’UMP est renommé Les Républicains. Maire de Saint-Étienne et président de Saint-Étienne Métropole, élu en 2014 et réélu en 2020. Gaël Perdriau a déclaré au lendemain des révélation de Médiapart n'avoir « à ce stade aucun commentaire à faire sur une vidéo ». Il affirme en outre ne l’avoir jamais vue et conteste « fermement toute notion de chantage contre Gilles Artigues ».
SAMY KÉFI-JÉRÔME - 43 ANS
![]()
Ancien socialiste passé au MoDem puis chez Les Républicains, il est adjoint au maire de Saint-Étienne en charge de l’éducation, conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes et ancien vice-président de région Laurent Wauquiez. Au lendemain des révélations de Médiapart, Wauquiez a annoncé que « les fonctions de délégué de Samy Kéfi-Jérôme au sein de l’exécutif de la région Auvergne-Rhône-Alpes sont suspendues à dater de ce jour ». Il aurait eu un rôle majeur dans le chantage à la sex-tape. C’est lui qui aurait payé l’escort, présenté la vidéo à Gilles Artigues et menacé de la rendre publique si le centriste ne taisait pas ses prétentions au leadership à droite et ne s’acquittait pas du paiement de 50 000 €. L’argent aurait transité par le biais de subventions municipales à des associations. À l’époque du tournage, le séduisant politicien avait pour compagnon Gilles Rossary-Lenglet.
GILLES ROSSARY-LENGLET - 50 ANS
![]()
Ancien homme politique - il fut notamment le premier secrétaire de la fédération du MRC, parti fondé par Jean-Pierre Chevènement, il est aujourd’hui sans emploi et malade. Après sa séparation de Samy Kéfi-Jérôme, il soutient qu’il lui aurait demandé un poste à la mairie de Saint-Étienne mais qu'il n'a obtenu aucune réponse. Il se serait alors décidé de contacter directement le maire, Gaël Perdriau, qui lui aurait accordé un emploi à 2 500 euros net par mois tout en évoquant avec lui la fameuse vidéo et le rôle des deux anciens amants pour sa captation. Gilles Rossary-Lenglet justifie ses révélations à Médiapart, non par esprit de vengeance mais par souci de la chose publique et des institutions. De plus, il n'a plus rien à perdre : « Je sais que j’ai fait des choses répréhensibles, je ne prétends pas être quelqu’un de bien, mais je souhaite que les choses se sachent, que l’omerta cesse, pour montrer que ces pratiques existent en France ».
Mise à jour du lundi 1er décembre 2025 : Ce matin, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Lyon a reconnu coupable de chantage, d’association de malfaiteurs et de détournement de fonds publics le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau. Il est condamné à cinq ans de prison, dont un an avec sursis, 50 000 euros d’amende, d'interdiction de port d'arme et d'une peine d’inéligibilité à exécution immédiate pendant cinq ans, ce qui lui impose de quitter tout de suite la mairie.
Samy Kéfi-Jérôme et Gilles Rossary-Lenglet, qui ont eu l’idée de piéger Gilles Artigues, ont été reconnus coupables de tous les faits reprochés. Ils ont été condamnés à quatre ans de prison, dont un an avec sursis, et 40 000 euros d’amende. Pierre Gauttieri, ancien directeur de cabinet du maire pendant dix ans, a été condamné à quatre ans de prison, dont deux ans avec sursis et 30 000 euros d’amende. Kéfi-Jérôme, Rossary-Lenglet et Gauttieri ont en outre été condamnés aux peines complémentaires d’interdiction de détenir ou de porter une arme pendant 5 ans et d’inéligibilité pendant 5 ans avec exécution provisoire.
Le tribunal correctionnel de Lyon a également statué sur les demandes des parties civiles :
À l’association Anticor, Perdriau, Kéfi-Jérôme, Rossary-Lenglet et Gauttieri vont devoir payer solidairement 8 000 euros. À la Ville de Saint-Étienne, les quatre homme sont solidairement condamnés à verser 234 000 euros dont les 184 000 euros pour les frais d’avocat de Gilles Artigues avancés par la ville au titre de la protection fonctionnelle de l'ex premier adjoint. À Gilles Artigues, sa femme et ses quatre enfants, ils sont condamnés solidairement à leur payer un cumul d’environ 300 000 euros.
Au moment où s’écrivent ces lignes, Gaël Perdriau est le seul à clamer son innocence et à déclarer faire appel. L’inéligibilité pendant 5 ans avec exécution provisoire prive toutefois le condamné de ses mandats immédiatement et donc de la possibilité de se présenter, jusqu’au résultat d’un appel indiquant éventuellement le contraire.
Sources : If-Saint-Etienne, 20 minutes, Ici (anciennement France Bleue), france3-regions et Ouest-France